Mes journées ne ressemblaient pas à grand chose depuis mon retour à Athens. A rien, en fait. Je pouvais me coucher tôt, tout comme je pouvais ne pas dormir de la nuit et rester dans mon lit toute la journée. Ce jour-ci, j'étais plutôt dans un rythme que l'on pourrait appeler normal. Je me levais à 10h, ne sachant pas vraiment que faire, en fait... Je me levais en soupirant, allumant la télé et je m'effondrais dans le canapé. Il n'y avait que des émissions abrutissantes, mais après tout, je n'avais rien d'autre de mieux à faire... J'aurais pu sortir. Mais je ne le voulais pas vraiment. Etant un type plutôt réservé, je n'aimais pas vraiment lorsque les gens m'abordait, de vieilles connaissances surtout. Je n'avais pas envie de parler de ces dernières années, et c'était précisément ce que voulaient savoir ces gens ; ce que j'étais devenu. Je ne voulais surtout pas épiloguer sur tout ce que j'avais traversé, et certainement pas avec des personnes avec qui j'avais très peu parlé. Mes seuls rares « amis », je ne les avais même pas recontacté, depuis. Après tout, j'étais seul, et c'était très bien comme ça. Ne pas s'attacher aux gens, quitte à rester en retrait. Ma vie se résumait donc à quelque chose de plutôt ennuyeux, mais au moins, je n'avais aucun problème. Pas de règlement de compte. Pas de chagrin suite à quelqu'un qui nous est cher et que l'on a perdu. Enfin si, il y avait quelqu'un. Mais je préférais ne pas y penser... Même si c'était compliqué.

Mais, après un moment, mon estomac se mit à réclamer son dû. Bon, je l'avais quelque peu négligé ces derniers temps, c'est vrai... Je me levais en soupirant une fois encore, cherchant dans mes placards ce qui pourrait bien me satisfaire. Rien. Dans mon frigo. Rien de bien. Ce qui signifiait que j'allais devoir sortir. Je soupirais encore une fois, prenant quelques affaires propres et les enfila en vitesse. Une fois sorti, je regardais autour de moi. Je ne savais pas vraiment où aller... Un magasin, un restaurant ? Quel que soit le lieu, je serais forcément entouré de trop de gens à mon goût. Bon, le premier qui lui tombera sous la main... Ce qui m'emmena face à un restaurant chinois. J'entrais. Bondé, bien sûr... Mais c'était un peu tard pour ressortir, maintenant qu'un homme du personnel du restaurant se dirigeait vers moi. « Bonjour monsieur, désirez-vous que je vous aide à trouver une place ? » Haussant les épaules, je le suivis sans un mot. Après tout, cela m'évitait d'errer étrangement entre les tables, le temps que je trouve une place, et je suivis donc cet homme silencieusement. L'entendant finalement parler à quelqu'un, je me tournais vers la personne qui occupait la table. Non. Ce n'était pas possible. Parmi tous les restaurants de la ville, il avait fallu que je tombe sur celui où bien sûr elle serait. Et où la seule place de libre était en face d'elle, qui plus est. Mais bon... C'était un peu tard pour repartir, maintenant. Sans un mot, je m'asseyais, regardant la carte à côté de moi, les noms ne m'inspirant pas grand chose... « C'est une blague, c'est ça? » Dès que je l'entendis parler, Je sus qu'elle n'allait pas lâcher l'affaire. Mais ce n'était pas pour autant quque j'allais lui répondre. Je restais silencieux, regardant le menu, jusqu'à ce qu'une serveuse arrive enme demandant ce que je désirais. Je commandais un plat au hasard, et, une fois la serveuse partie, je regardais par la fenêtre, ne prêtant toujours pas attention à cette fille, en face de moi, dont j'avais su le nom mais que je n'avais pas cherché à retenir. Le seul moment où j'avais parléavait été pour commander, et j'étais bien décidé à ne pas dire un mot de plus...

Comme je m'y attendais, il m'a juste... Ignoré. Je me permis donc un petit rire sarcastique. Il avait beau m'ignorer, je savais qu'il m'entendait et tant qu'il m'entendait, il y avait espoir que j'atteigne son petit cœur. « T'as décidé de pas parler? Génial, on va, pardon JE vais follement m'amuser! » Mon regard se posa sur ses bras. C'étaient bien les tatouages que j'avais vu à travers la vitre et je dois vous avouer qu'ils étaient plutôt intéressants. En fait, c'est le seul truc intéressant chez lui. Ça mérite mon attention du coup. Tant qu'il ne comprend pas que je fais une fixette là-dessus, c'est bon. De toutes façons, ça risque pas d'être le cas. Je me demande s'il aura au moins le courage de croiser mon regard à un moment. « Dans une autre vie, je serai une méduse. Tu sais ce que ça veut dire? Ça veut dire que même dans ta prochaine vie, tu me côtoieras. Et là, tu te demandes pourquoi. Eh bien toi, vu tes capacités à communiquer tu sera un poisson. Sûrement un de ces poissons à moustache... Les nettoyeurs. Ceux qui servent à rien. Ceux qu'on met quand même dans des bocaux à la maison mais dont on se fout de la gueule parce qu'en plus d'être inutiles, ils sont moches. » La serveuse vint débarrasser et je passa donc au plat. Oui, j'aurais l'entrée en dernier. Et encore, si j'ai faim après le plat. Mais voir ce type en face de moi me coupera sûrement l'appétit, je risque de zapper l'entrée.

Je dois dire que d'habitude, provoquer les gens à l'énervement m'amuse. Mais c'est presque lassant dans le cas de ce mec. Mais pas tout à fait quand même, je reste persuadée qu'il me déteste. Ça veut dire qu'il n'en a pas rien à faire de moi et que j'ai au moins le don de l'agacer. Juste savoir ça, c'est excellent! D'ailleurs, je vais boire à ma santé. J'étais tellement surprise par tant de malchance que je n'avais même pas encore touché à ma boisson. Je m’empressai donc de le faire et je remarqua avec dégoût que c'était à la limite de l'imbuvable. C'était sûrement chinois parce que je n'avais aucune idée de ce que c'était. Enfin bon, ça reste de l'alcool et l'alcool me rend plus... Plus. C'est simple, sans un petit boostant, je serai comme le type en face de moi. Amorphe et inutile. « Tu te drogues? Si tu te drogues, ça pourrait expliquer ton état. Enfin, soyons honnêtes, si t'es comme ça au naturel, pense à l'internement. » Tiens, pourquoi je faisais pas comme ce type? Pourquoi je me la fermais pas? J'étais forte à ce petit jeu moi aussi. Mais... Ce ne serait pas drôle... De plus, il m'a connu dans un état second, j'ai toujours été une vraie pipelette pour lui, ce serait beaucoup trop plaisant que je me taise du coup. « Mon père connait deux trois asiles sympa. » Quand je vivais chez mes parents, mon père adorait me montrer des tonnes et des tonnes de prospectus sur les hôpitaux psychiatriques pour me faire peur et m'obliger à lui parler. Pourtant, je ne l'ai jamais fait. Mon père étant un vrai poltron, de ce fait, il ne m'a jamais interné. J'aurais tout de même préféré vivre dans un asile qu'au domicile familiale. Croyez-moi, même un asile est sain par rapport à cette maison de l'horreur.

Doucement, je me mis à manger mon plat. C'était bizarre mais j'avais faim alors je ne bronchais pas. Par contre, je vais filer faire les courses, je vous l'assure. Parce que si à chaque fois que je décide de manger au resto, je croise ce qu'on peut appeler un ennemi, je risque d'être très vite embêtée. En fait, j'adore croiser des ennemis en général. Mais pas quand je mange. On est en position de faiblesse quand on mange! En plus, imaginons qu'on a un morceau de salade coincé entre le dents, on perd tout de suite en crédibilité...

Entendant son rire sarcastique, et son ton tout aussi déplaisant, je savais que tout ce qu'elle voulait, c'était un regard, une réponse de ma part. Mais je n'allais pas lui faire ce plaisir... Cette fille ne m'intéressait même pas. Du peu que je la connaissais, je n'avais à vrai dire pas envie d'en savoir plus. Cette fille, à mes yeux, ce n'était rien... Juste quelqu'un parmi d'autre qui voulait mon attention. Alors que moi, tout ce que je demandais, c'était qu'on me laisse tranquille. Je continuais de l'ignorer, mon regard toujours vers la vitre, regardant les passants. Cette activité était la plus ennuyeuse qui soit, mais c'était soit ça, soit rentrer dans son jeu, alors je l'en contentais. Ne retrouvant l'usage de la parole que pour adresser un simple merci à la serveuse, et un léger sourire poli, mon regard se posa de nouveau vers la vitre, ne prêtant toujours pas attention à cette fille qui me faisait face.

Je retins un sourire à son discours. Elle était comme les autres, me jugeant par ce qu'elle voyait, mais je m'en fichais pas mal à vrai dire. On m'avait souvent jugé ; au lycée, à mon retour à Athens. Mais ce que les gens voyaient, c'était une façade, ce n'était pas véritablement moi. Et tant qu'on ne touchait pas à ce que j'étais vraiment, peu m'mportait. Toutes ces critiques à mon égard n'étaient pas vraiment pour moi, à mes yeux... Alors elle pouvait me dire tout ce qu'elle pensait de moi, cela n'avait pas vraiment d'importance. Le seul moyen qu'elle avait de me faire dire un seul mot, serait de me toucher véritablement ; et elle aurait sûrement du mal à trouver ces paroles. Et puis après tout, un poisson, quel qu'il soit, avait toujours sa place. Alors pourquoi le prendre mal, au fond... Je ne pris même pas la peine de hausser les épaules. Ce serait un signe d'attention, et je ne voulais pas rentrer dans son jeu.

« Tu te drogues? Si tu te drogues, ça pourrait expliquer ton état. Enfin, soyons honnêtes, si t'es comme ça au naturel, pense à l'internement. » A ces mots, ma seule réaction fut de jeter un œil à mon plat, qui n'avait pas l'air très appétissant à vrai dire ; mais j'allais devoir m'en contenter. Alors qu'elle continuait de parler, je pris une bouchée de mon plat. Pas si mauvais que ça en avait l'air... Je continuais de l'ignorer, regardant de nouveau par la fenêtre. Si elle voulait une véritable réaction de ma part, elle allait devoir faire fort ; mais je doutais qu'elle puisse trouver quoi que ce soit sur ma véritable nature, et ça me convenait parfaitement. Après tout, elle allait se lasser, non ? Tout le monde finit par se lasser lorsqu'on l'ignore. Alors je continuais de manger, ne lui accordant même pas un regard.
Pourquoi avait-il fallu que je tombe sur elle ? Parmi tous les endroits de la ville. Il avait fallu que ce soit cet endroit précis... Je l'ignorais, mais au fond, son caractère me déplaisait. Le genre de fille qui ne comprend pas que des gens veulent tout simplement rester seuls, si cela leur convenait. Des gens qui ne cherche que de l'attention en retour de la leur, parce qu'après tout, même si elle pouvait me détester aussi, si elle me parlait, c'est qu'elle s'intéressait un minimum à moi. Je ne savais pas quoi exactement, et je m'en fichais pas mal. Tout ce que j'attendais, c'était qu'elle me laisse tranquille. Et je savais très bien qu'elle ne laisserait pas tomber, alors je pris une nouvelle bouchée de mon plat, attendant le moment ou soit moi soit elle ait fini de manger. C'était la seule solution pour que je sois tranquille... Et si j'avais à subir son sarcasme, tant pis... Il le fallait bien.

C'était dingue, à quel point elle voulait que je parle. Et le pire, c'est que ça lui apporterait quoi exactement ? J'étais juste un type parmi les autres. Mais il avait fallu qu'elle insiste. Le fait qu'elle me juge, je passais facilement dessus. Ce qui m'énervait chez elle, c'était justement cette détermination à s'acharner sur moi. J'aurais très bien pu faire demi-tour, c'est vrai... Je ne sais pas vraiment moi-même à quoi je pense, parfois. Enfin... C'était pas si grave, en fait. J'allais pouvoir lui taper sur les nerfs une fois de plus à ne pas décrocher un seul mot. C'était un juste retour des choses. Lorsque que je l'entendis parler d'alcool, je faillis sourire. A vrai dire, si ça allait possiblement me faire parler, ça n'aurait pas nécessairement du bon. De toutes façons... Je n'avais rien à dire. En tout cas pas à cette fille.
Je venais de finir mon plat, et ce qui était assez... drôle, était que je me demandais ce qu'elle avait dans le ventre. Finalement, j'allais rentrer un peu dans son jeu. Vas-y parle, je t'écoute... C'était un peu ce que je pensais. Alors que la serveuse était de passage à notre table, je me mis moi aussi à commander un verre. Ok, tu as gagné cette partie de la bataille, car je t'accorde un minimum d'attention, juste en restant ici. Mais tu ne réussiras sûrement pas à me faire parler...

Une fois mon verre en main, je me mis à le regarder, l'ignorant toujours autant. La vue n'avait rien de passionnant mais le message était toujours le même : Je ne décrocherais pas un mot. Elle voulait jouer, elle allait perdre. En tout cas, les verres descendaient à la même vitesse que la dernière fois que je l'avais vu. Un coup de pouce à l'imagination, je suppose... Bien essayé, mais ça n'aidera pas. Je bus une gorgée de mon propre verre. Je ne savais absolument pas ce que c'était, mais au moins, c'était pas mauvais...
Je restais là, et en fait, je crois que c'est parce que j'ai toujours été comme ça. Provoquant. Les défis, je connaissais pas mal, avec mes parents. La victoire de les voir désespérer sur mon cas. Et pour le moment, je réussissais à faire la même chose avec cette fille. C'était plutôt pas mal.

Je ne savais pas vraiment quel était son véritable but, à vouloir me faire parler. Elle avait l'air d'une fille plutôt joueuse, du genre à jeter une personne une fois qu'elle avait eu ce qu'elle voulait de sa part. C'était sans doute pour ça qu'elle s'accrochait... Les choses n'étaient pas allées dans son sens. Ca devait être frustrant... Cela me fit limite sourire. Un sourire que je retins, en fait. Quitte à ce qu'elle me prenne vraiment pour un mec qui avaient de sérieux problèmes mentaux. Mais à vrai dire, je n'en avais pas grand chose à faire.
En l'écoutant parler, je pris une autre gorgée de mon verre. C'est vrai, elle avait raison. Je savais qu'elle n'allait pas laisser tomber, mais si elle voulait que je me défende, il allait falloir qu'elle trouve une attaque sérieuse. Et m'encourager à parler, c'était, comment dire... Assez comique, au fond. Comme si j'allais gentiment le faire, sans broncher. Et la rancœur... Je préférais me la garder. Surtout avec elle. Alors qu'elle riait, je ne pus m'empêcher de sourire. Son père connaissait deux trois asiles sympas ? Il avait voulu l'emmener y faire un tour, c'est ça ? Il avait sans doute eu raison. Elle avait parler de m'enfermer, mais sérieusement, je crois que de nous deux, elle en avait plus besoin que moi.

Alors que je regardais presque dehors, ce qui était toujours aussi inintéressant, je la vis esquisser un sourire. Oui, j'avais commencé à rentrer dans son jeu... Et comme je m'y étais attendu, elle commençait à espérer obtenir plus de ma part. Son sourire en disait long... Je lui avais cédé cette victoire... Mais la bataille, c'est moi qui la gagnera. J'allais, encore une fois, repartir sans avoir décroché un seul mot. Et elle continuera à me taper sur les nerfs... Mais autant que je tape sur les siens. Et vu comme elle était détestable, réussir à l'atteindre, c'était une victoire non-négligeable. J'étais probablement un des seuls gars qui ne lui obéissait pas au doigt et à l'oeil, et je savais bien que c'était surtout qui l'énervait en moi... Alors j'allais continuer à l'ignorer, royalement.

« Et sinon... Si tu jouais le jeu à fond? » J'en étais sûr. Elle pensait vraiment qu'elle pouvait en obtenir plus de ma part, jusqu'à sa victoire. Mais elle se trompait lourdement... Je ne lui avait accordée qu'une seule victoire. La seule et unique. C'était étrange, comme je voulais qu'elle me laisse tranquille, mais en même temps... Il y avait toujours ce trait de caractère chez moi, qui voulait que je me batte pour gagner. Et j'adorais ça. La guerre m'avait changé, inconsciemment, ce qui m'avait plutôt déstabilisé une fois que j'étais revenu ici... J'avais été si longtemps loin de tout, et sans que je m'en rende compte, beaucoup trop de choses avaient changées... Et moi aussi. Tout change, après tout... Mais je recommençais à devenir l'homme que j'avais toujours été, et sérieusement, c'était bon, de me retrouver. Après toutes ces années passées hors de la réalité, y revenir enfin. Je n'avais attendu que ça... Alors j'appréciais chaque moment de cet instant qui allait m'apporter la victoire, même si je ne pouvais pas supporter cette fille. De toutes façons, j'avais bien été obligé de subir sa présence...

Voyant qu'elle commençait à se désintéresser de moi, je souriait légèrement, buvant une autre gorgée de mon verre. Alors, c'était aussi facile ? Il y avait 5 minutes, elle se réjouissait d'avoir réussi à obtenir une réaction de ma part. Et elle laissait tomber, juste maintenant ? C'était vraiment... étrange. Je n'arrivais pas vraiment à la cerner, en fait... Il y avait ce côté détestable qu'elle montrait, et il y avait autre chose. Et c'était la qu'elle m'intriguait, bien que je ne puisse vraiment pas la supporter. C'était peut-être la seule chose à laquelle je m'intéressait véritablement chez elle. Quelque chose qui me montrait qu'elle n'était pas insipide et sans intérêt. Je me doutais bien qu'elle n'étais pas toujours cette fille détestable qu'elle pouvait me montrer. Mais qu'elle passe d'un côté à un autre, et surtout devant moi... Là, c'était carrément étrange. Mais bon, après tout, j'avais peut-être réussi à avoir enfin la paix, et c'était ce que je voulais non ? De plus, j'avais presque fini mon verre ; ce qui signifiait que j'avais presque atteint mon but... Une autre victoire.

Finalement, je m'étais sans doute réjoui trop vite. A peine elle avait soupiré qu'elle avait retrouvé l'usage de la parole... Et pour me demander mon nom, en plus. Comme si j'allais le lui donner... Mais je pense qu'elle savait parfaitement que je ne dirais rien. Elle ne baissait pas les bras, elle en était presque pire que moi... En général, je n'abandonne jamais. Mais là, dans son cas, c'était carrément de l'acharnement. C'était dingue, à quel point elle voulait absolument obtenir au moins un mot de ma part.
Je l'entrevoyais toujours, ne la regardant pas vraiment ; elle était contrariée par mon silence, ça commençait à sérieusement se voir. Au final, j'avais peut-être véritablement gagné. Parfait.

« Je te baptise Evan alors. Ça veut dire "Dieu est miséricordieux" en hébreu. En Irlande c'est "jeune guerrier"... je trouve que ça te va à ravir!» Jeune guerrier ? C'est marrant, elle avait finalement commencé à me cerner. Du poisson nettoyeur au guerrier en peu de temps. Elle était plus maline que ce qu'elle pouvait laisser paraître ; c'était déjà ça. J'évitais un sourire ; je ne voulais pas laisser une autre réaction de ma part lui parvenir. Mais maintenant qu'elle avait commencé à véritablement me cerner, il allait falloir que je fasse attention ; si elle arrivait à trouver quoi que ce soit d'autre qui pourrait me toucher personnellement, je n'allais pas pouvoir me retenir de lui lancer quelque chose d'aussi venimeux que ce qu'elle avait pu dire. Evan ? Bof, si elle avait vraiment envie de me nommer... Je n'en avais pas grand chose à faire. Si je devais lui donner un nom ? Il y a un prénom qui veut dire 'torture' ? Quelque chose dans le genre. Parce que rester avec elle plus de 5 minutes... C'était sérieusement la torture. Plutôt mourir d'une mort douloureuse que d'avoir à rester dans la même pièce qu'elle pendant des heures.
Lorsque son regard se fut sévère, je me demandais ce qu'elle pouvait bien penser ; en général, elle avait toujours laissé une parole exprimer son regard. Pas cette fois-ci, apparemment. Au fond, c'était pas si mal, ça m'évitait un autre commentaire de sa part...

Et puis elle se mit à siffloter tout en prenant ses aises. J'écoutais, me demandant s'il y allait avoir quelque chose d'autre qui m'attendais... J'étais sûr qu'elle allait encore trouver quelque chose à le redire. Je n'avais aucune idée de ce qu'elle sifflotait, mais ça avait l'air entraînant. « Eh Evan! Je suis sûre que t'es un vrai petit maestro! Tu la connais? Siffle et je chanterais. » Non. Je ne connaissais même pas cette chanson. Et je n'avais pas eu tort, elle avait encore eu quelque chose à dire. Mais je crois que je finissais par me lasser de tout ça... Elle avait quelque peu baissé les bras, ma 'victoire' ne devenait plus si intéressante. Je finis mon verre d'un trait, et attendit qu'une serveuse revienne vers nous, afin que je puisse payer ce que je devais. Elle avait en quelque sorte laissé tomber, il était donc temps que je parte. J'avais réussi à obtenir ce que je voulais, enfin, je crois...

Je n'attendais plus qu'une chose, que la serveuse arrive enfin ; au moins je pourrais sortir de là, et être débarrassé de cette fille. Je commençais à sérieusement détester être ici. J'étais resté uniquement parce que je ne pouvais pas vraiment faire demi-tour. Puis par défi. Mais là... Je n'en pouvais vraiment plus d'être en face de cette fille.
La Marseillaise ? Non, je ne connaissais vraiment pas. Je ne sais pas où j'aurais pu l'entendre d'ailleurs. La France, je savais où c'était, également deux-trois mots de base que tout le monde connaissait ou presque, mais ça s'arrêtait là, quasiment. En fait, je me demandais bien comment je pourrais savoir quoi que ce soit sur ce pays... Surtout quand les cours d'histoire n'avaient jamais vraiment été mon truc. Mais bon.

Je n'avais jamais été très patient. Surtout quand j'avais l'impression que les gens faisaient exprès de prendre leur temps. Quoi, ça prenait si longtemps d'arriver à une table pour que les gens payent et puissent partir ? Je commençais à étouffer, avec cette fille. Ca avait été sympa de jouer pendant un moment mais là ça devenait inutile et pas très intéressant... Surtout quand j'avais à peu près eu ce que je voulais, et que je n'avais pas décroché un mot, ni adressé un véritable regard. J'avais une fois de plus réussi à la battre, enfin... C'était ce que je croyais.

Quand la serveuse arriva, j'ai mis quelques secondes à comprendre ce qui venait d'arriver. Ce qui avait suffi à la miss joueuse de partir sans rien payer. Et ce qui me sorti également de mes gonds. Bon, j'avais assez d'argent sur moi, mais... Il était hors de question qu'elle s'en sorte comme ça. Je payais, sortant rapidement du restaurant. Elle ne devait pas être loin... Et effectivement ; elle était en face. Un peu... Comme si elle attendait, en fait. C'en était trop. Non seulement elle partait, comme ça, mais en plus, elle restait là, en voulant me voir sortir complètement hors de moi, c'est ça ? Ok, elle avait gagné. Ce qui me fichait encore plus hors de moi, en fait. Je traversais la route une fois que c'était possible, et qu'elle parte ou non d'où elle était, elle n'allait absolument pas s'en tirer. « Hé, toi ! Si tu as cru que tu allais t'en sortir comme ça, tu as eu tort. Alors soit tu payes ta part maintenant, soit je te suis et ne te lâche pas d'une semelle avant que tu le fasses. Sérieusement. ». Oui, j'avais parlé. J'avais définitivement perdu. Mais elle m'avait vraiment mis hors de moi... Et si elle décidait à son tour de m'ignorer, je vous jure, que je ne la lâcherais vraiment pas. Elle avait peut-être gagné, mais elle n'allait pas partir comme ça, aussi facilement...

Je rageais déjà assez d'avoir perdu à son jeu, mais son rire n'arrangeait rien. Ma colère l'amusait, en plus... Et le fait qu'elle continue à vouloir m'énerver... Je vous jure, si elle ne me devait rien je l'aurais rapidement laissée là. Mais j'avais envie de lui faire payer, autant dans le sens qu'elle devait me rembourser que le fait que j'avais envie de me venger.
Alexandre ? Super, encore un nom en plus. Je ne savais même pas ce que c'était censé signifier, mais je m'en fichais pour le moment. C'est pas pour autant que je lui dirais mon prénom, d'ailleurs... Il y aurait au moins ça qu'elle n'aurait pas. « Tu as peut-être gagné mais c'est pas fini. Maintenant passe-moi ce que tu me dois. T'as envie de me faire encore plus rager c'est ça ? Pour l'instant je suis sympa mais si tu te décides pas je pourrais arrêter de l'être. » C'était sans doute ça son plan, me rendre encore plus en colère contre elle. Gagner encore une fois. Mais cette bataille là, elle ne la gagnera pas... Voyant qu'elle commençait à s'en aller, je soupirais.

A vrai dire, j'avais dit ça surtout pour voir quelle serait sa réaction, mais maintenant qu'elle s'en allait... Je n'allais pas la laisser s'en aller avec MON argent, et sa victoire. Je n'allais pas baisser les bras aussi facilement. Je n'avais jamais laissé tomber, alors ce n'était pas maintenant et surtout pas avec elle que ça allait commencer.
Je commençais donc à la suivre, Dieu sait où... Ca aussi, je n'en avais pas grand chose à faire. Je ne la quittais pas des yeux, sérieusement déterminé à ne pas la lâcher aussi facilement. Je me demandais si elle pensait que j'étais vraiment capable de mettre à exécution ce que j'avais dit, mais elle allait voir que je n'étais vraiment pas décidé à baisser les bras. Sa victoire l'avait sans doute mise en confiance pour la suite des évènements, mais elle allait voir à qui elle avait affaire.

Alors qu'elle s'arrêtait rapidement pour écraser sa cigarette, j'en profitais pour la rattraper, et me poser face à elle « Ecoute, je déconne pas. Tu me rends mon argent et je te fiche la paix. J'en ai rien à faire que tu veuilles d'une autre victoire, tu l'auras pas. Je vais finir par devenir aussi têtu que toi et je te jure que tu vas rapidement en avoir marre de moi. » J'arrêtais de parler l'espace de quelques secondes, mais je réalisais qu'en fait, c'était exactement ce qu'elle voulait. Okay, si c'est ce que tu veux... Tu vas voir, qui va finir par être celui qui rit. « Oh attends j'y suis, tu veux vraiment jouer c'est ça ? Tu verras, tu vas rapidement regretter que je rentres finalement dans ton jeu. » J'étais assez bavard, d'un coup. Mais après tout ce qu'elle m'avait fait subir au restaurant, c'était en quelque sorte exprimer tout ce que je n'avais pas dit. Et au moins, je pensais vraiment ce que je disais. Je ne la laisserais pas tranquille, argent ou non. Elle m'avait poussé à bout, elle voulait une autre victoire, elle allait voir ce que ça allait donner, quand je jouais aussi...

C'était dingue comment elle pouvait m'énerver simplement rien qu'en essayant de me faire tourner en bourrique. Remarquez, je devais admettre que ça marchait assez bien, ce qui avait vraiment le don de m'énerver, en fait. Si elle ne me devait pas dans les 40 dollars, j'aurais rapidement abandonné. Je détestais sérieusement cette fille, alors moins je la voyais, mieux je me portais en quelque sorte... Elle avait le don de me taper sur les nerfs rien qu'en la voyant. Je l'avais déjà subie tout le long du repas, mais là, c'était pire que de la torture... Vous avez déjà été en compagnie d'un de vos ennemis pendant des heures ? Je vous le déconseille, ça met sérieusement en colère au bout d'un moment.
Mais en même temps j'en avais envie de cette revanche. Elle m'avait tanné pour que je parle, maintenant j'allais lui rendre la pareille. Elle m'avait poussé à bout, j'allais faire de même... Elle avait sûrement un point faible, comme tout le monde. Il me suffisait de trouver lequel. Je n'avais pas dit mon dernier mot...

Le temps commençait à se faire long... Je ne savais pas où elle allait, mais je n'allais pas faire demi-tour. J'étais vraiment partagé entre deux sentiments... Je n'avais vraiment pas envie de rester avec cette fille, mais en même temps, je le 'devais'. J'avais toujours été battant et têtu, ce qui faisait que je n'abandonnais pas facilement... Même si je devais en faire des sacrifices. Comme rester avec une fille que je ne peux pas supporter, par exemple. Si c'est le prix à payer pour que je lui retourne ce qu'elle m'avait fait subir, alors tant pis, je devais faire avec.
Ce que l'on pouvait appeler un plan, je n'en avais pas. Je fonctionnais majoritairement à l'instinct, ce qui peut me pousser à faire des erreurs à vrai dire, mais tant que j'avais le dernier mot, ça me convenait. C'est ce qui m'avait poussé à l'arrêter, en fait.

Son sourire était carrément provoquant à mes yeux. Et pire, elle ne décrocha même pas un mot et continua de marcher. Ok, j'allais devoir changer de méthode. Le mieux à faire... C'était juste de la suivre, pour le moment. Ca me fichait pas mal en rogne mais si je voulais mon argent, je ne pouvais pas vraiment faire autre chose... Je continuais donc à la suivre, me demandant bien quel pourrait être ce qu'on pourrait appeler le terrain de jeu. Après tout, elle allait bien s'arrêter à un moment non ? Et où que ce soit, à ce moment-là, j'allais vraiment commencer à sortir le grand jeu. Pour le moment c'était elle qui menait le jeu... Mais elle allait bientôt voir que je pouvais me révéler aussi doué qu'elle.

Alors qu'elle continuait à marcher, je soupirais. J'en avais sérieusement plus qu'assez de devoir la suivre, mais je n'allais pas la laisser comme ça, après l'avoir suivi aussi longtemps. Ce qu'elle pouvait m'exaspérer, vraiment... J'allais vraiment être un enfer avec elle. Après tout, elle l'avait cherché... Petit à petit, je commençais malgré moi à partir dans mes pensées, faisant tout de même attention à cette fille devant moi qui continuait de marcher. Toutes ces années que j'avais gâchées loin d'Athens... Cela avait été une énorme erreur de partir. Rien n'était plus pareil, par ma faute... Mais enfin... Ce n'était pas le moment d'y penser.

Je revenais soudainement à la réalité lorsqu'elle entra dans un bar, la suivant toujours en silence. Pour le moment, j'allais la laisser tranquille... Mais une fois que je l'aurais décidé, elle allait vraiment regretté d'avoir voulu jouer. Lorsque le barman me lança un regard étrange, se demandant sûrement ce que je faisais avec elle, je ne dis rien et lui adressa peine un regard, gardant mon attention sur cette fille que je suivais depuis tout à l'heure. Je prenais appui sur une table, commandant tout de même un verre, que je commençais à boire, attendant le moment où elle serait elle aussi d'attaque. Ca risquait d'être vraiment amusant...
Cet endroit ne me plaisait pas vraiment, et je me demandais comment une fille comme elle pouvait supporter d'être ici. N'empeche, ce bar devait être fréquenté seulement par des habitués, car j'étais regardé étrangement depuis mon arrivée. Tous ces gars qui devaient se demander qui j'étais. J'aimais plutôt passer pour le mec invisible, ici c'était raté... Ils ne pouvaient pas juste faire comme si je n'étais pas là ? Après, certains devaient sans doute la regarder, elle, et je n'avais aucun doute sur la raison de leur attention sur elle. Après tout, je l'admettais, physiquement, elle avait pas mal d'atouts... Je soupirais encore une fois, finissant mon verre rapidement, mes yeux revenant sur la raison pour laquelle j'étais ici. Je me décidais à m'asseoir sur le siège à côté d'elle, comme pour lui rappeler que j'étais toujours ici. Je commandais un autre verre, le buvant presque d'une traite « Sinon, tu es décidée à m'ignorer longtemps ? Je t'ai prévenu que je te lâcherais pas » Je dis, finissant mon verre, mon regard toujours sur elle.

Lorsque j'entendis sa réponse, je levais les yeux désespérément. Qu'elle délie sa langue... Au moins, ça me donnera autre chose à dire que le fait que je ne la lâcherais pas. Et puis sérieusement, quoi qu'elle dise, ça n'aurait pas tellement d'importance... « Fais gaffe à pas finir complètement morte, ça me donnerait l'avantage » Je souriais légèrement, commandant un autre verre que je bus presque aussi vite que le précédent. Après tout, elle avait déjà pas mal bu, et je doute qu'elle finisse par être très en forme si elle continuait. A moins que ce soit l'inverse, remarquez... Dans tous les cas, ça s'annonçait plutôt intéressant.

« Mais bon, puisque tu me le demandes, je vais arrêter de t'ignorer. Je t'ai toujours porté beaucoup trop d'attention pour que tu puisses vivre sans. Hein mon chou? » A vrai dire... Je m'en passerais bien. Mais pour le moment, et malheureusement pour moi, oui, je devais avoir son attention. « Crois-moi, je me passerais bien de toi. Si tu n'avais pas quelque chose qui m'appartient ça ferait longtemps que je serais loin de toi. Sérieusement, ça me gave d'être ici » Je finis mon verre après cette 'confession', levant mes sourcils à sa question « Jusqu'où ? T'as même pas idée. Tu m'as tellement tapé sur les nerfs pour que je te parle que je ferais tout ce que je peux pour prendre ma revanche... Même si je doute que tes idées soient bonnes. Mais dis toujours » Je haussais les épaules, me demandant quel genre de défi elle pourrait bien proposer.

Je me mis à rigoler quand j'entendis son prénom. Dolores. « C'est marrant, ton prénom te va bien en fait. Ca veut dire 'douleur' c'est ça ? Ca te va parfaitement, c'est dingue » Je rigolais un peu plus ; c'est vrai quoi, ce prénom c'était fou comme ça lui correspondait. On ne pouvait pas faire mieux. « Eh bien, tu as l'air de plaire à mes amis toi! Tu devrais venir ici plus souvent. Je rigole hein, hors de question que je te croise plus d'une fois par mois. J'ai des petites tendances meurtrières... » Tu parles... Ces gars se demandaient sûrement ce que je faisais ici. Mais je pense qu'elle le savait très bien. « Ouais, je préfèrerais encore qu'ils aient plutôt les yeux sur toi comme à leur habitude, parce que je suppose que tu ne passe jamais inaperçue ici. Ou partout, en fait. Mais surtout ici. Parce que je doute que ces mecs arrivent à avoir une fille dans leur lit assez souvent, et surtout une fille comme toi. Sauf si c'est justement toi. C'est lequel, le meilleur coup ? Celui qui t'a appelé, peut-être. Ouais, ça doit être ça » Je lui répondais avec un petit rire qui se voulait limite ironique, ou sadique, je ne savais pas trop... « Quand au fait que je vienne ici une fois de plus, c'est hors de question. Alors de ce côté-ci, tu peux être rassurée. Une fois que j'ai mon argent je fais tout pour ne plus jamais te voir ». C'était bien vrai... Une fois que j'aurais ce que je voulais, je ne chercherais même pas à la revoir. Et sauf si elle voulait encore me chercher pour me taper une fois de plus sur les nerfs, je ne voyais aucune raison à ce que nos routes se croisent encore... Sauf si un de ces jours je voulais la faire rager autant qu'elle l'avait fait pour moi, mais ça impliquait que je la supporte, ce qui n'était pas donné... Alors ouais, en fait, je ferais tout pour ne plus jamais avoir à la revoir.

« Je vais bien! Ne te sens pas obligé de t'inquiéter pour moi. » Cette réponse provoqua un petit rire de ma part. Comme si je m'inquiétais pour elle... C'était le dernier de mes soucis, mais je pense qu'elle le savais très bien. « Oh, si je m'inquiétais, je t'aurais déjà trainée hors d'ici. Mais je pense que tu avais compris que je n'en avais absolument rien à faire. » Je haussais légèrement les épaules, prenant un verre que je jugeais bon d'être le dernier.

Je regardais autour de moi et poussa un soupir. « Tu n'aimes pas cet endroit? Il est sympa pourtant... » Oui c'est sûr, des mecs pervers et une fille que je pouvais pas supporter dans un seul et même endroit, c'était l'éclate. Je ne répondis rien, buvant mon verre d'une traite. Je résistais plutôt bien à l'alcool, ce qui faisait que je commençais plutôt à me sentir bien, sans commencer à avoir la tête qui tourne. Perfect.

« Tu parles espagnol toi maintenant? Incroyable. Oui, ça veut dire douleur mais ce n'est certainement pas pour les raisons auxquelles tu penses qu'il me va si bien. » Sa remarque me fit sourire. Je ne connaissais peut-être pas ce qu'elle avait siffloté tout à l'heure mais j'avais au moins quelques bases en langues étrangères. Enfin, surtout une, en fait, qui était justement l'espagnol. « Ce n'est pas parce que je ne connaissais pas un hymne étranger que je suis inculte. J'aimais pas vraiment les cours mais c'était pas pour ça que j'étais un cancre, alors oui, je sais parler espagnol. Disons que j'ai réussi à retenir ce mot, étrangement, contrairement à d'autres. Et pour moi... Il te va très bien pour les seules raisons que je connais, alors je m'en contenterais. » Ce qu'elle avait dit impliquait qu'elle avait souffert, qu'elle souffrait peut-être encore ; bon, elle me tapait sur les nerfs mais il y avait au moins quelque chose qui me prouvait finalement qu'elle avait un minimum de sentiments. « Ferme-la. Même avec 4 grammes dans chaque veine, je ne coucherais pas avec ces types. » Sa réaction était exactement celle que j'avais attendu. J'avais réussi à l'énerver, c'était dingue ! Il lui fallait toujours de l'alcool à cette fille pour carburer ou quoi ? « C'est dingue, j'aurais pensé qu'il y en avait au moins un. Tu es sûre ? Non parce qu'avec 4 grammes, je suis pas sûr que tu te rappelles de grand chose tu vois, alors sait-on jamais... » Je ne le pensais pas vraiment, en fait. Cette fille n'avait pas mon estime mais je ne la voyais pas non plus coucher avec ces mecs-là. Mais rien que le fait d'avoir provoqué cette réaction en elle me poussait à continuer jusqu'à la pousser à bout. « Et puis pourquoi je me justifie? Tu crois que tu vaux mieux qu'eux? Eux, au moins, ils tentent quelque chose. Toi par contre, tu préféreras te taire quand l'occasion de séduire quelqu'un viendra. Tu passeras sûrement ta vie comme ça, dans le silence. Tu sera en définitif jamais heureux parce que... Eh bien, parce que t'es juste trop idiot pour t'ouvrir un peu à la vie et en profiter. » Là c'était plutôt à mon tour de voir rouge. En fait, sans s'en rendre compte, elle avait quelque peu touché un point sensible. Le sens de ma vie. Il n'y en avait sans doute pas, mais l'entendre de sa part n'était pas nécessaire. « Ah ouais, parce que tu me connais peut-être ? C'est pas parce que je t'ai pas répondu que je fais pareil avec tout le monde. T'en sais rien au fond. Tu sais même pas mon prénom... » Je répondais ça tout en sachant qu'au fond, elle avait raison. Je ne profitais pas de la vie. Mais j'étais heureux comme ça. Enfin, je crois. Pas d'amis proches, pas d'attachements trop importants ; pas de raisons de souffrir. Et c'était sans doute mieux comme ça. Le peu de fois où je m'étais ouvert aux gens ne m'avait jamais rien apporté de bon, alors oui, peut-être que je ne profitais pas de la vie... Mais je m'évitais les soucis.

Une fois qu'elle fut sortie, je la rejoignais rapidement « Je sais pas où tu comptes aller mais essaie de marcher droit, quoique, si tu te plantes en plein milieu de la rue ça me donnera un peu de distraction. » Je lui adressais un petit sourire narquois. Je ne savais absolument pas ce qu'elle comptait faire mais, quoi que ce soit, j'en avais pas fini...

Je roulais des yeux quand elle essaya de m'imiter, avec un sourire. Sérieusement, cette fille, ce que je pouvais la trouver pathétique... C'était encore pire quand elle n'était pas sobre. Je la supportais encore moins... En fait, quoi qu'elle fasse, quel que soit la manière dont elle se comportait, elle avait le don de me taper sur les nerfs.

« C'est l'hymne français. Juste pour information, il est toujours bon d'agrandir sa culture, hein? Sinon, charmante anecdote, vraiment ! » Ouais ouais, c'est toujours bon... Enfin, comme si ça changeait quoi que ce soit ; je ne me rappelait même pas vraiment l'air de cet hymne, en plus. Je haussais les épaules, décidant d'ignorer sa remarque. C'est vrai que je m'étais un peu laisser aller, à penser tout haut ; c'était mieux quand je ne disais pas un mot, en fait... Je restais dans mes pensées, ne lui prêtant plus trop attention. Je pensais à ce que mon retour ici m'avait apporté... pour le moment, pas grand chose de positif... Mais je ne voulais pas repartir ; ce serait refaire la même erreur une fois de plus...
« Non, je ne te connais pas. Non, je n'en sais rien. Non, je ne sais pas ton prénom. Mais j'ai pas besoin de savoir tout ça pour deviner que là, j'ai marqué juste. Peut-être pas entièrement, mais... » Sa voix me ramena hors de mes pensées, fronçant les sourcils. Oui elle avait marqué juste, et si elle continuait à dire quoi que ce soit à ce propos ça pourrait vite partir en autre chose qu'une simple discussion. Ce à quoi je ne répondis donc rien, une fois de plus. Je n'avais pas envie qu'on continue sur ce sujet... Je lui lançais un regard malveillant quand elle passait sa langue sur ses dents, geste qui avait le don de m'irriter encore plus suite à ce qu'elle avait dit.

Une fois dehors, je continuais à la suivre, me demandant jusqu'à quand elle allait jouer à ce petit jeu avec moi. Ca commençait sérieusement à devenir plus qu'insupportable de rester avec elle.
« En tout cas, pense à appeler le samu. Je pourrais mourir étouffée dans mon vomi et là... Tu pourras dire adieu à ton argent. Enfin, tu pourras toujours essayer de soutirer de l'argent à mes parents... » Sur ce point, elle avait assez raison. Bon, je ne pouvais pas la voir en peinture, mais je ne me réjouissais jamais de la mort de quelqu'un, que je supporte cette personne en question ou non. « Ouais ouais... Je préfèrerais limite perdre une quarantaine de dollars plutôt que de te recroiser dans un restaurant bondé. Alors pense à me donner l'adresse de tes parents avant. » Je ne le pensais pas vraiment, enfin... Ne plus la recroiser m'arrangerait. Mais ce n'est pas pour autant que je la souhaitait morte. Je n'étais pas aussi sadique...