Aujourd'hui, je me dois de ne rien faire foirer comme à mon habitude. Ça, ce sont les premiers mots que je me suis dit en me levant ce jour-là. J'allais travailler! Ça faisait bien longtemps d'ailleurs que ça n'avait pas été le cas, je devais être sérieuse ce coup-ci. C'est pour ça que j'avais passé deux jours sans une goutte d'alcool, pas question d'avoir une gueule de bois. J'avais un client! Et donc de l'argent! Bon sang, c'était tellement rare que je ressentais une énorme pression qui me nouait le ventre. J'allais être correcte, gentille et souriante. Et puis... J'allais essayer de me trouver des fringues dans ma penderie qui ne font pas trop... Comment dire? Allez, n'ayons pas peur : trainée. Oui parce que vraiment, j’excellais dans ce look de trainée/garçon manquée/à la rue. J'avais franchement mauvais genre mais je n'y pouvais rien, moi, si ça m'allait tellement bien!
J'ai bien mis une heure à me préparer. Je voulais vraiment faire ça bien ce qui était assez étrange de ma part. Je faisais quand même preuve de professionnalisme et de bonne volonté, croyez-moi, ce n'est pas courant chez moi! Mais on va dire que c'est sûrement parce que j'aime mon métier. Je suis jardinière. Je m'occupe des jardins privés, des grands espaces verts de la communauté... Bref je m'occupe de tout ce qui est vert et que vous répugnez à toucher par peur de vous salir les pattes. Moi, s'il y a bien une chose que j'aime dans ce bas monde, c'est la nature. Je sais, je n'ai pas l'air comme ça. Et pourtant...
Quand je suis arrivée chez mon client, j'ai d'abord sonné trois fois. Personne ne répondait, j'ai commencé à paniquer. Alors comme ça, je m'étais préparée pour rentrer bredouille? Impossible! Heureusement, j'ai vite percuté qu'il y avait une feuille accrochée sur une des poutres du porche de la maison. Sur cette feuille était notée toutes mes instructions, mon client ne rentrait pas avant trois longues heures. J'avais donc trois heures pour faire tout ce qu'il m'avait demandé, c'est-à-dire tailler deux arbustes à l'abandon en forme de cœur, tailler les tuilas et essayer de faire revivre les rosiers. Ça allait être un jeu d'enfant! Je suis sûre que j'aurais même le temps de m'assoir dans l'herbe et de bronzer un peu. Ou peut-être pas...
Au final, niveau fringues, j'avais opté pour un mini short, un débardeur blanc et une chemise à carreaux. Au moins, je passais inaperçu mais je dois avouer que ce n'était pas forcément très professionnel comme tenue. C'était pourtant ce que j'avais de moins sexy dans mon armoire.
J'étais en train de sortir mes outils de ma camionnette quand j'ai commencé à me sentir observée. Vu ma paranoïa, j'ai d'abord préféré ignorer ce pressentiment. Mais c'est devenu de plus en plus fort, jusqu'à ce que pendant un aller-retour, mon chemin croise celui d'un homme. Il serait d'ailleurs plus juste de dire qu'il s'était posté juste devant le coffre ouvert de ma camionnette. C'était peut-être mon client, il rentrait peut-être plus tôt finalement... Pour cette raison, je me força à sourire et je salua l'homme qui se tenait maintenant devant moi. Ça devait forcément être lui, je ne vois pas pourquoi il serait là sinon.
« Monsieur King? Je suis Dolores... La jardinière, enchantée. Vous avez finalement réussi à vous libérer plus tôt? » Je ne m'imaginais pas monsieur King ressembler à ça. Il était si jeune! Et plutôt canon... Pour moi, c'était un père de famille bedonnant, à la vue de sa maison. Et de ses exigences quant à son jardin. Non mais franchement! Qui aurait pensé que quelqu'un qui ressemble à ça, veuille des mignons petits cœurs dans son jardin? Comme quoi, j'ai vraiment des préjugés inutiles des fois.